Le livre marchandise en 2015

L'association des éditeurs belges vient de publier ses données sur le marché du livre à l'intérieur du périmètre francophone belge. Ce n'est pas pour rassurer. Le chiffre d'affaires (les ventes) augmentent certes un chouïa en 2015 mais cela tient du frémissement (+ 0,1% en euros constants). Faisant suite à cinq années successives d'une dégringolade obstinée.

On a donc vendu en Belgique francophone des livres pour quelque 246 millions d'euros en 2015 mais la part des éditeurs belges, un livre sur trois grosso modo, continue à s'éroder (27,5% en 2015 contre 31% en 2010) – et encore: les éditeurs indépendants belges se comptent sur la douzaine de doigts d'une main.

L'économie, en dernière instance

Quand on achète un Casterman, l'argent va chez Gallimard, propriétaire. Quand on achète un De Boeck, un Bruylant ou un Larcier, c'est encore tout profit pour le propriétaire, Argon Capital Partners, une société d'investissement détenue fifty-fifty par le groupe Albert Frère et le canadien Desmarais, qui avait racheté ce “portefeuille” au français Editis en 2011.

Pour ce type de renseignement, il ne faut pas aller à l'Adeb, l'Association des éditeurs “belges”, mais au CRISP, le Centre de recherche et d'information socio-politiques. Il a mis en place une base de données en ligne sur l'actionnariat des entreprises wallonnes (http://www.actionnariatwallon.be/) et publié en novembre 2015 un dossier fouillé de 147 pages sur le livre (ISBN 978-2-87075-127-5). Ce sont des sources précieuses, bien qu'avares en informations sur les petits éditeurs indépendants. À consulter, l'une et l'autre.

On en dira pas autant des données de marketing de l'Adeb. Le journal L'Écho en reproduit l'essentiel dans son édition du 2 juillet 2016, et pour cause: la brochure de l'Adeb ne fait que dix pages, faites surtout d'infographies avec très peu d'éclaircissements sur l'origine et la méthode de collecte des données, c'est peut-être le résumé d'un rapport plus consistant dont on ne trouve cependant pas trace sur son site.

La résilience du papier

Résumons donc le résumé. Parmi les données réjouissantes, il y a le fait qu'un livre sur deux, en 2015, se vend toujours en librairie – et que le secteur du pseudo-livre dit “numérique” ne progresse guère (un petit 10% - contre quasi 30% en Flandre), même il recule, sur tablette. Heureusement. Ce secteur est dominé, pour ne pas dire monopolisé par Amazon.

Le reste n'est pas pour rassurer. Le livre en Belgique francophone? C'est, à 57%, de la bande dessinée. Mama mia, des livres à images. Le roman, lui? 0,07%. S'étonner, après, que les deux tiers des livres vendus en Belgique sont des livres importés, écrits et produits à l'étranger.

Bon. Il y a quand même quelques bonnes nouvelles. Le nombre de bibliothèques publiques a augmenté. On en compte, en 2014, dernier chiffre connu, 500, sept de plus qu'en 2013. Pour une population d'environ 4,5 millions d'habitants.

Et, là tout de suite, dans La Libre du 21 juin 2016, on apprenait qu'une bibliothèque, dans la commune de Molenbeek, à Bruxelles, allait à la suite de gros travaux tripler sa superficie. Il y aura de la place, raconte l'article, pour que les jeunes puissent lire des quotidiens et faire leurs devoirs. Mais encore que “l'offre culturelle” en livres ne sera pas augmentée, on se demande pourquoi.

La poule ou l'œuf?

Autre bonne nouvelle, qui n'a rien à avoir, c'est la sortie d'un livre sur les œufs d'oiseaux. C'est en anglais. Le titre en est le suivant: The Most Perfect Thing: Inside (and Outside) a Bird's Egg, qu'on doit à Tim Birkhead et aux éditions Bloomsbury, qui l'a publié.

En français, cela donne “La chose la plus parfaite: à l'intérieur (et à l'extérieur) d'un œuf d'oiseau.” On y apprend qu'un œuf respire. Que les poussins, à l'intérieur, échangent des infos afin que l'éclosion se fasse simultanément. C'est dingue. C'est dans le compte-rendu publié par The Spectator en date du 23 avril 2016.

J'avais arraché et gardé la page pour ajouter Tim Birkhead à mon interminable liste de livres à acheter. Le lecteur belge moyen lit selon l'Adeb en moyenne 16 livres par an (dont seulement 10 achetés; c'était 11 en 2014, voilà à nouveau qui ne rassure que moyennement). Mon rythme, c'est aussi environ 16, mais par mois, tous achetés, neufs ou d'occasion.

On va terminer par une queue de poisson. Le poisson pond aussi des œufs. On attend avec impatience la sortie d'un bouquin sur la question. Chez un éditeur belge indépendant, cela va de soi.