Lectures augustes

Au rythme de mes douze livres par mois, le bibliomane Alerto Manguel (30.000 bouquins, sa bibliothèque personnelle) aurait eu besoin de dix-sept années pour tout lire. Diable! On est bien peu de choses. En tête d'affiche de l'auguste mois, Goethe et Schiller, Colette, Mankell, Diderot et Cassil. Et Marx, en primeur!

1. Ivan Bounine (1870-1953), Jours maudits, 1926, en français 1988, rééd. Bartillat, 2018 (trad. Jean Laury), imprimé en France par CPI, 198 pages, 21,70 euros. Prix Nobel 1933 (l'année Hitler), Bounine est peut-être un agréable romancier mais cette chose-ci, pourquoi diable rééditer? Le garçon a fuit la Russie en 1920, voue une haine corse aux bolcheviques, c'est épidermique, et ses anotations au jour le jour en 1918, 1919 et 1920 sont sans valeur ni politique ni littéraire. Un index aurait été bienvenu (je l'ai fait au crayon en fin de volume): il cite Gorki huit fois (en mal), Maïakovski, quatre fois ("idiot"), Blok, cinq fois ("un sot"), le commissaire de la Culture Lounatcharsky, cinq fois ("ce reptile")... Au fil des pages, on le voit à Moscou, à attendre la délivrance de l'armée allemande, puis de la française, à Odessa. La préface dithyrambique du traducteur présente cette diatribe monomaniaque comme "un des rares témoignages sur le vif concernant cette époque chaotique". Sur ce temps-là, Ilya Ehrenbourg, Un écrivain dans la revolution vaut mille fois mieux (Gallimard, 1963, donné comme toujours disponible sur son site.)

Voir: http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/L-Air-du-Temps/Un-ecrivain-dans-la-revolution

2. Robert Walser (1878-1956), Microscripts, 1924-29, Surhkamp 1985, en anglais 2012, New Directions, trad. Susan Bernofsky, postface de Walter Benjamin, 160 pages, fabriqué aux États-Unis (par qui? allez savoir), 25$. Un inclassable entre les inclassables, Walser. Diagnostiqué comme schizophrène en 1929, il terminera les dernières 23 années de sa vie dans un sanatorium. Avant cela, écrivain talentueux, et prolixe, sa plume galopait sur la page blanche, produisant facilement un roman en quelques semaines (Schiller, son Wallenstein, il a mis plus de deux ans pour l'achever, octobre 1796 à mars 1799). Vers 1924, cependant, il fut, comme Dashiell Hammett, paralysé par la "crampe" de la page vide et, pour la vaincre, a imaginé une écriture microscopique, écrite au crayon, en caractères "Kurrent", quasi illisibles, une suite de petits bâtonnets tracés sur de minuscules bouts de papier de récupération, à l'arrière, par exemple, d'une vieille carte de visite. Ce livre les reproduits, recto-verso, au format original (voir le lien ci-dessous pour se faire une idée), suivis d'une traduction en anglais. Des spécialistes ont mis des années à déchiffrer à la loupe. C'est une prose quasi extraterrestre. Tantôt sur le mode autosatirique, tantôt sur celui de l'entomologue examinant le contenu d'une boîte d'insectes fracassées lors d'un bombardement, avec un amusement teinté de dégoût morbide. C'est par exemple l'historiette d'un propagandiste anti-alcolisme qui se saoule avant d'haranguer l'auditoire car c'est seulement dans cet état d'ébriété joyeuse que son éloquence est portée à des sommets. Ou des annotations du genre "Le ciel commençait à ressembler à un petit manteau richement brodé." Ou ce texte s'achevant par un "Ceci est certainement une bien curieuse histoire, en tout cas elle n'a jamais auparavant été publiée." Ou ce morceau de bravoure mélancolique: "debout dans la cuisine à neuf heures du matin, ils pressent contre leur lèvres avec un ravissement indubitable une petite cuillère à café qu'une femme de peut-être quarante printemps a mise en service pour l'accomplissement du petit déjeuner." Walser n'avait pas besoin de cours d'écriture créative.

Exemple de microscript: https://www.canopycanopycanopy.com/contents/robert-walser-the-microscripts
Walser a aussi son centre dédié: https://www.robertwalser.ch/en/the-center/

3. Jacques Pauwels (né en1946), 1914-1918 La grande guerre des classes, 2014, éd. Delga 2016 (trad. du néerlandais Frank Degrez), 550 pages, 29 euros, imprimé par France Quercy à Mercuès (maison fondée 1850, faillie 2018, RIP). De ce vaste panoramique où la Grande Guerre proprement dite ne survient qu'à la page 151 et où la procession de faits menée tambour battant oblige trop souvent au raccourci frustrant (l'assassinat de Jaurès, par exemple), la thèse formant fil rouge ne manque pas d'être instructive. En 1914, rappelle Pauwels en citant l'historien Fernand Braudel, "l'Occident était mûr pour devenir socialiste". Quoi de plus radical, dès lors, pour calmer les mauvais esprits, qu'une bonne petite guerre? En quelque sorte: une guerre des élites contre les peuples, transformés en chair à canon (des paysans, surtout, les ouvriers étant nécessaires à l'industrie de l'armement). Le calcul, combinant bien sûr des visées impérialistes, fera cependant long feu. L'enthousiasme de la guerre éclair (demain, à Berlin!) fera progressivement place à la démoralisation et, peu à peu, à la radicalisation: mourir pour des généraux et des gradés bien au chaud, dans l'enfer des tranchées et la misère générale d'une économie de guerre, non merci. Le résultat sera à l'opposé de celui escompté. En Russie, révolution, en Allemagne, en France, en Finlande et ailleurs, effets d'émulation... Le péril rouge a surgi comme le spectre hantant l'Occident. L'armistice du 11 novembre 1918 tient du faux semblant: 11 jours plus tard, l'armée française entre en Union soviétique, et l'état siège, décrété dès 1914 en France n'y sera levé qu'en octobre 1919. Pauwels met tout cela bien en évidence, sans cependant approfondir, hélas.

4. Goethe (1749-1832) et Schiller (1759-1805), Correspondance (tome 1, 1794-1797), Gallimard, 1994, trad. Lucien Herr, 511 pages, imprimé par SEPC à Saint-Amand (Cher), 5 euros. De quoi peuvent bien s'entretenir ces deux grands amis, distants de 19 kilomètres, Goethe à Weimar, Schiller à Iéna? Savoir d'abord que Goethe n'écrit pas, il dicte; et que la poste met entre 5 et 11 jours pour franchir la distance, sauf quand les lettres sont transportées par leur "messagère", Christine Wenzel, qui faisait régulièrement la promenade à pied munie d'un panier contenant en sus du vin, des biscuits, des brochets ou du caviar. Eh bien ils causent de Fichte, Cervantès (que Goethe lit en traduction française), de Diderot (que Goethe traduit), de Mme de Staël (dont les textes figureront dans la revue littéraire de Schiller, Les heures), de Kant évidemment (au "style de chancellerie philosophique": Schiller en souligne "l'atrocité"), de Hölderlin (dont la poésie est jugée faiblarde par Goethe), et puis d'Aristote, de Pétrarque, de Shakespeare. De politique: très peu. Du choix de papier peint chez Schiller auquel Goethe joint ses conseils avisés: longuement. Mais c'est leur œuvre, le beau et l'art, grand B et grand A, qui sont, très logiquement, le sujet de prédilection. Ajouter la couleur locale: quand Goethe se rend de Frankfort à Stuttgart en août 1797, 152 kilomètres à vol de jet, il met trois jours mais goûte tout du paysage traversé. C'est là qu'on se dit qu'on n'est pas né au bon siècle. La grande ville, Goethe n'aime pas trop, ni "l'hydre aux millions de têtes de la banalité". On les coupe, elles ne cessent de repousser...

5. Henning Mankell (1948-2015), Kvicksand, 2014, Pocketförlaget 2017 (imprimé au Danemark), 348 pages (existe en français, Sables mouvants: Fragments de ma vie, Seuil). Averti d'un cancer au poumon déjà métastasé dans la nuque en janvier 2013, l'auteur suédois mondialement connu (théâtre, polars), Henning Mankell, se sachant catapulté à plus ou moins brève échéance vers le grand néant, livre ici le combat contre l'angoisse par un retour introspectif sur son passé, par exemple lorsque, à seize ans, il décide que l'école n'a plus rien à lui donner et part vivre six mois sans le sou à Paris. Son passé est celui de l'humanité et ce sont des pages captivantes sur l'artiste qui, voici 40.000 ans, a façonné la statuette en ivoire de l'homme à tête de lion, sur le procès en 897 intenté à Rome par le pape Étienne VI contre son prédécesseur Formose, pour la cause déterré après huit jours de décomposition dans toute sa splendide puanteur, sujet d'une peinture de Jean-Paul Laurens (1870) ou, troublant, fascinant, sur le portrait familial que le prêtre et homme de science suédois Gustaf Hjortberg fit réaliser en 1770, le montrant lui, sa femme et ses quinze enfants, dont ceux morts en bas âge qui se pressent, à peine visibles (ici un front et un œil, là tournant le dos) derrière leurs frères et sœurs, comme s'ils voulaient désespérément revenir dans le monde des vivants: des reproductions photographiques en donnent, et à d'autres scènes englouties, un aperçu vertigineux. Mankell va 40.000 ans en arrière, mais aussi 40.000 ans en avant, lorsque la Scandinavie sera broyée à l'état de gravier sous les masses d'une nouvelle glaciation. Que restera-t-il de notre "civilisation" dans les ères géologiques futures: ni Rubens, ni Shakespeare, ni les Beatles, mais seuls le vaisseau spatial Voyager dans sa course interminable et les dépôts nucléaires enfouis en sous-sol. "Il nous faut voir en arrière pour être à même de voir vers l'avant", dit-il. Mankell, on regrettera longtemps.

6. Denis Diderot (1713-1784), Lettre historique et politique adressée à un magistrat sur le commerce de la librairie, 1767 (rédaction), 1861 (publication), Éditions Allia, 2012, 126 pages, 6,10 euros, imprimé dans l'Union européenne (sic). Délicieux mémoire de défense du livre et de ses métiers, imprimeur et libraire/éditeur, et de la liberté d'expression (Pierre Bayle interdit de publication en France? il est aussitôt imprimé à l'étranger et vendu sous le manteau, succès garanti!). Avec Diderot, sûr, il faut s'accrocher, son style, précis, serré jusque dans ses volutes, ne correspond à rien de ce qu'on a l'habitude de voir aujourd'hui sur une page imprimée. C'est un autre monde et on ne peut que tomber sous son charme. En plus, Diderot: un marxiste avant l'heure. Il s'insurge contre les dégâts causés par le sacro-saint (déjà!) principe de libre concurrence, conduisant à ce que le mauvais grain chasse le bon, avec disparition des savoir-faire, ruine des ouvriers du livre, multiplication des livres sur mauvais papier et à l'infecte typographie: ah! mais c'est produire au moindre coût, la tendance du capitalisme, comme dira Marx, vers une "économie de la misère" (le lin chassé par le coton, puis çui-là par le synthétique). Alors comme maintenant, la belle et bonne édition ne nourrit guère son homme: "la communauté des libraires est une des plus misérables et des plus décriées, ce sont presque tous des gueux." À bon entendeur.

7. Nathalie Quintane (née en 1964), Les années 10, La fabrique, 2014, 201 pages, 14,40 euros, imprimé par CPI Bussière à Saint-Amand-Montrond (Cher). Nathalie a un cul en ballon de foot et des seins assez forts, c'est elle-même qui le dit, je ne suis pour rien dans ce cocorico qu'on rangera parmi les lapsus autosexistes. En même temps, cela caractérise un peu. Elle écrit en flux tendu des paragraphes qui n'en finissent pas, cela rappelle les diarrhées verbales des tartines dont s'assommaient les lecteurs d'Alternative libertaire ou C4 (RIP). Son sujet: les pauvres, ceux dont l'horizon sont les trains de merde toujours en retard, toujours bondés, toujours sales, etc. Sur leur invisibilité. Sur l'impossibilité de dire la pauvreté: "dès qu'on parvient à dire vraiment ce que c'est que pauvre c'est qu'on ne l'est plus". Sur ce que la philosophie pourrait là-dessus joliment énoncer: "Pourquoi y a-t-il des pauvres plutôt que rien?" Il y a de la rage dans ce texte. Ce n'est pas mauvais. Pas très bon, non plus.

8. Colette (1873-1954), Trois... Six... Neuf..., 1944, rééd. Libella, coll. Libretto, 2017, 86 pages, 5,10 euros, imprimé par Normandie Roto Impressions à Lonrai. On a toujours place dans un recoin du cœur pour Colette, avec l'espoir que la réciproque est également vraie. Elle raconte ici ses déménagments à répétition à Paris, des logements entretemps disparus (insalubres! non conformes aux normes!) qui faisaient la joie des tout petits revenus dont les fins de mois sans le sou étaient les mêmes qu'au début, qu'au milieu, que durant toute l'année. À un endroit, rue Jacob, elle se souvient n'avoir fait "autre chose qu'attendre. À qui attend, tout autre occupation est superflue." Mais elle avait Kiki-la-Doucette, sa chatte, qui "mangeait les petits pois un à un, longuement". C'est qu'elles savaient vivre et en connaissaient la joie, Kiki et Colette. Féerie mélancolique.

9. Nadine Rosa-Rosso (née en 1954), Plus qu'hier et moins que demain, 2018, éditions Antidote et La Guillotine, 246 pages, 10 euros, imprimé... ben, on sait pas. On peut compter sur Nadine dans tous les combats des opprimés et cela fait d'elle une personne éminemment sympathique. Il est plus difficile, cependant, de la suivre dans des analyses politiques qui n'ont pas un peu conduit à son éviction du Parti du Travail de Belgique dont elle fut un temps la secrétaire générale (1999-2003), ce après le choix peu avisé d'une alliance aux élections législatives de 2003 avec le parti mahométan AEL de Dyab Abou Jahjah. Ce qu'on a ici est un recueil, un album, une rétrospective reproduisant des textes publiés entre 1998 et 2018, sous une forme donc assez brute et peu contextualisée: au lecteur de suppléer. Tant bien que mal. Sur Jahjah, ainsi, elle retient uniquement sa diabolisation, pas un mot sur le programme de l'AEL - sinon cet "aveu", daté de 2003, juste après l'échec électoral: "nous n'avions pas suffisamment de vue sur le programme général de l'AEL." Ça, c'est pire qu'un crime, une faute, comme redirait Talleyrand. On l'aura compris, Nadine ne renie rien, il n'y a ici pas l'ombre d'une autocritique. Mais bien, par contre, des anathèmes lourds comme des porte-avions, au sujet des "partis fascistes" siégeant au Parlement en Belgique ("fascistes"? voilà qui ne dépasse guère le slogan de manif), ou des "hommes blancs" (sic) qui n'y entravent que plouc (très Made in USA, ça) ou encore sur la "peur de l'islam" d'une certaine gauche ("peur"? non mais allô quoi?)... Pour Nadine, et cela vaut article de foi, les "peuples arabes", étant "les premiers dans la collimateur de l'impérialisme", constituent aujourd'hui "dans le monde entier, l'avant-garde de la résistance". On lui retorquera volontiers: en Europe, cette thèse, cela fait combien de divisions? Mais faut lire, il faut tout lire pour comprendre le monde dans lequel on vit.

10. Mary Norris (née en 1952), Between you and me - Confessions of a Comma Queen, 2015, W.W. Norton & Company (éditeur indépendant depuis 1923, ce qui méritait d'être signalé), New York, 228 pages, 16 dollars, imprimé par RR Donnelley. Notre "Reine de la Virgule" a été correctrice au mythique magazine The New Yorker, temple de la chose bien écrite où on ne badinait pas avec l'orthographe, tout un département y veillait: chaque matin, un garçon de courses y apportait un plateau de crayons nouvellement taillés. Ses mémoires tiennent largement (un peu trop) du manuel du langage écrit correct. Tout un chapitre sur la ponctuation, par exemple, où on apprend que, contrairement aux usages français (confirme Grevisse), une énumération prend aux États-Unis la virgule à chacun de ses éléments constitutifs - y compris avant le dernier introduit par la conjonction "et". Il y a à cela une certaine logique. Norris donne l'exemple "Ce livre est dédié à mes parents, Hillary Clinton et Dieu." L'absence de virgule devant "et Dieu" laisse en effet entendre que lesdits parents sont maman Clinton et papa Dieu... On en apprend tous les jours.

11. Cord Riechelmann (né en 1960), Kråkor, 2013 (Berlin), traduction suédoise (Nina Katarina Karlsson) chez Ersatz, 2018, 156 pages richement illustrées, édition reliée aux cahiers cousus, 229 couronnes (environ 22€), imprimé par Friedrich Pustet à Regensburg (Allemagne), le colophon précisant la nature du papier (90g Schleipen Fly), la police de caractères (Ingeborg/Typejockeys) et les noms des graphistes, typographes & illustrateurs, bref: édition de qualité (présidée par Judith Schalansky) comme on n'en voit plus guère. Dans la grande famille des passereaux, les corvidés (corneille, pie, corbeau freux) sont, avec le moineau et le merle, le peuple oiseau qui s'est fait citadin avec le plus d'élégance. Le biologiste berlinois Riechelmann éprouve pour eux une affectation contagieuse. C'est qu'ils sont très intelligents. Ils ont pigé qu'un feu rouge arrête les bagnoles et qu'une noix habilement posée sur la chaussée devant ces caissons à quatre roues (la plus noble conquête de l'homme) sera fendue après leur passage et, ainsi, faciles à décortiquer. Le casse-noix d'Amérique, lui, arrive à stocker jusqu'à 30.000 graines dans 6.000 cachettes qu'il retrouvera sans peine l'hiver venu. Et leur mauvaise réputation tenant au souvenir de corneilles picorant les yeux de cousins humains n'est qu'ignorance crasse: ils ne font cela, primo, que sur des cadavres et, secundo, les yeux, c'est parce que leur bec n'arrive pas à percer ailleurs: du temps où tout n'était pas plastifié, c'était les éboueurs méticuleux des villes, d'incomparables auxiliaires de la propreté publique. Hitchcock était un de leurs grands amis. Son film Les oiseaux (oiseaux de tous les pays, unissez-vous!), on s'en souviendra, se termine sur leur victoire. Qui n'est pas d'accord lève son doigt et se tait. (Hélas, pas de traduction française.)

On peut néanmoins admirer la couverture suédoise: http://www.ersatz.se/bok_naturlaror1.htm

12. Léo Cassil (1905-1970), Le voyage imaginaire, 1933, Gallimard, 1937 (trad. Vera Ravikovitch et Henriette Nizan), 253 pages, 5 euros (bouquinerie Aurora), imprimé par l'imprimerie Paul Dupont à Clichy (Seine). L'auteur, dont le nom est également transcrit Léon et Lev Kassil, aimait écrire pour les enfants, petits et grands. Ici, en période de fin de guerre civile et de victoire de l'armée rouge, on observe la vie avec les grands yeux tout ronds de deux petits frérots qui ont inventé un paradis sur terre imaginaire qu'ils ont baptisé Schwambranie où tout (TOUT!) est possible. C'est très mignon. Le commissaire politique du bourg argumente toutes ses décisions par "un point c'est tout" (et les lycéens de lui répondre: "Et ta sœur?"). Osaka, un des petiots, grondé à la maison, s'exclame: "Si j'avais su que j'aurais un tel papa, je ne m'aurais pas né pour rien au monde." Cassil, aussi, sait s'exprimer avec style: "Le piano se tenait peureusement dans un coin de la grande salle." De même, quand il salue le nouveau pouvoir soviétique par la bouche de l'ainé des petiots. Désormais, dit-il, "Tous les pauvres sont riches." Ça a duré ce que ça a duré.

Statistiques: parmi les livres lus, et relus cent fois en cours de mise en page, il y a lieu d'ajouter L'Enquête ouvrière (1880) de Karl Marx, deuxième titre de nos éditions LitPol, postfacé par Laurent Vogel (ETUI, ULB) et suivi d'une notice bibliographique, 64 pages, 10 euros, imprimé par Robert Clerebaut (Bruxelles) avec un graphisme de couverture de Donald Sturbelle (Arquennes). Bientôt disponible en librairie, il peut d'ores et déjà être commandé en virant le montant à mon compte, Erik Rydberg, BE57 0639 6804 0635 (communication: Marx + adresse où le recevoir). Voir encore: http://www.erikrydberg.net/litpol
Bis: innovation, on l'a vu; chaque notice mentionne désormais en grasses le nom de l'imprimeur, dans la mesure où l'éditeur a eu la courtoisie de l'indiquer. Que serait le livre sans imprimeur? Rien.